Pour quelles raisons les carpes sautent hors de l'eau ?

Publié le 17 juin 2025 par Guillaume Desesquelles

Tu as certainement déjà observé des sauts de carpe, ces bons vieux splats à la surface de l’eau. Quand tu es au bord d’un étang ou d’une rivière, c’est un bruit qui attire l’attention : des carpes sortent, partiellement ou complètement, hors de l’eau. C’est impressionnant et ça intrigue toujours les pêcheurs : pourquoi les carpes sautent-elles hors de l’eau ? Ce n’est pas une lubie du poisson, mais plusieurs raisons naturelles que nous allons explorer ensemble sur ce nouvel article Magnifixcarp. Que tu sois passionné par la pêche à la carpe ou simplement curieux de comprendre le phénomène, tu vas découvrir ici toutes les explications possibles.

À la recherche d’oxygène

Parfois, en été notamment, l’eau devient vraiment chaude et manque d’oxygène. La carpe est un poisson d’eau douce, et dans ces conditions elle peut avoir du mal à respirer assez avec ses branchies. Pour y remédier, elle remonte en surface pour avaler de l’air. Ce n’est pas pour se nourrir : la carpe ouvre grand la bouche à la surface et avale une bulle d’air. Puis elle fait passer cet air dans son intestin. L’oxygène de la bulle se diffuse à travers la paroi intestinale vers le sang du poisson. Ce mécanisme, appelé respiration intestinale, aide le poisson à supporter les eaux pauvres en oxygène. Ce petit apport d’oxygène supplémentaire sert aussi à faciliter la digestion : l’oxygène absorbé par l’intestin aide la carpe à métaboliser plus efficacement sa nourriture, surtout lorsqu’elle a avalé pas mal d'aliments.

Tu verras ce comportement se répéter sur de courtes distances : la carpe soulève la tête hors de l’eau ou sa queue, plusieurs fois de suite. Plutôt que de bondir loin hors de l’eau, elle frappe doucement la surface en aspirant de l’air. Ce ballet répétitif est souvent appelé marsouinage. C’est un comportement tout à fait normal : la carpe absorbe ainsi progressivement de l’oxygène pour rester à l’aise. Ce n’est pas un signe d’affolement, mais un réflexe naturel. Si tu as déjà pêché en été, tu as sûrement remarqué que l’on voit beaucoup de poissons « marsouiner » au petit matin ou au crépuscule. En somme, la carpe se « remplit les poumons » de façon lente et répétée pour mieux respirer.

  • saut carpe

    Équilibrer sa flottabilité

    La carpe possède un autre organe très utile : la vessie natatoire. C’est une poche remplie de gaz qui lui sert à réguler sa flottabilité. Quand la carpe remonte à la surface, la pression baisse et la vessie peut se dilater, un peu comme un ballon qui se gonfle. Si trop d’air s’y accumule, la carpe peut se sentir déséquilibrée. Certains pêcheurs pensent qu’en sautant hors de l’eau, la carpe libère une partie de ce gaz excédentaire. En bondissant, elle permet ainsi à l’air de remonter plus rapidement vers l’extérieur et retrouve son équilibre plus facilement. Ce n’est pas prouvé scientifiquement, mais c’est une hypothèse qui fait sens : en quelque sorte, le saut agit comme une soupape pour la vessie.

    Se débarrasser des parasites

    La carpe, comme tous les poissons, peut attraper des parasites externes : des petits vers, des poux d’eau (Argulus), des sangsues, et d’autres bestioles aquatiques qui s’accrochent à sa peau ou dans ses ouïes. Ces petites bêtes provoquent de véritables démangeaisons. Le problème, c’est que la carpe n’a pas de mains pour se gratter ! Quand un parasite la gêne vraiment, elle trouve une solution efficace : elle saute. Un bon gros saut ou une nage violente à la surface crée un choc hydrodynamique dans l’eau. En retombant dans l’eau, la plupart des parasites se détachent et sont emportés par le courant. On voit souvent un nuage de bulles ou de débris autour de la carpe, preuve qu’elle a bien nettoyé sa peau. Parfois, le saut se termine avec la carpe retombant sur le côté ou même sur le dos, comme pour frotter ses flancs sur l’eau. Cette acrobatie peut laisser quelques éraflures ou traînées de mucus, signe que le « grattage » a fonctionné. Certains poissons vont même répéter plusieurs secousses successives jusqu’à ce qu’ils soient soulagés : ce saut de « grattage » est un réflexe bien connu chez les carpes parasitées.

    • marsouinage

      Pendant la période de fraie

      Au printemps (en général à partir d’avril-mai), c’est la fameuse fraie des carpes, c’est-à-dire leur reproduction. Les carpes se rassemblent en bancs et se dirigent vers les zones peu profondes, couvertes d’herbes ou de branches submergées. Les mâles poussent les femelles, les poursuivent en remuant l’eau avec leurs queues et leurs flancs. Les remous à la surface sont énormes : c’est la frénésie de la reproduction. Dans cette agitation, les poissons sont souvent collés les uns aux autres ou frottent fortement les végétaux. Parfois, l’agitation est telle que la carpe fait des sauts involontaires. Les eaux peu profondes accentuent le phénomène : dans moins d’un mètre d’eau, la majeure partie du corps de la carpe jaillit hors de l’eau quand elle se déplace vigoureusement. Si un poisson heurte un obstacle ou les bords d’un tronc immergé, il peut être projeté hors de l’eau. Au final, on estime que la faune aquatique (herbes, roseaux, etc.) et la dynamique du frai créent un véritable tremblement de terre sous l’eau. La frénésie de la reproduction peut être si forte que certains poissons en ressortent légèrement égratignés, avec quelques écailles arrachées : c’est le signe que le remue-ménage a été intense !

      Fuir un prédateur

      Même si la carpe est un poisson plutôt gros à l'âge adulte, elle n’est pas à l’abri d’un prédateur. Un héron cendré, un silure affamé, un brochet ou même un sandre peuvent tenter de chasser une carpe. Si la carpe se sent poursuivie ou prise au piège, elle peut bondir hors de l’eau pour tenter d’échapper à un carnassier. Ce saut musclé sert de stratégie de fuite : la carpe prend de l’élan et, l’instant où elle est en l’air, elle gagne quelques mètres de répit. Ce mouvement soudain prend souvent le prédateur par surprise : un héron peut manquer sa proie, ou un brochet n’a plus qu’à retourner dans sa cachette.

      Attraper de la nourriture

      Voici un autre scénario tout aussi intéressant : parfois, les carpes sautent simplement pour attraper quelque chose à manger. La carpe est un poisson omnivore, et même si elle fouille surtout le fond, elle peut aussi profiter des ressources en surface. Lorsqu’un banc de petits poissons ou d’autres poissons blancs chasse des insectes ou du plancton à la surface, les carpes peuvent venir rejoindre la fête. On a même observé des carpes s’élever pour chasser des mouches, des moustiques ou d’autres insectes posés sur l’eau : ce n’est pas leur méthode de chasse principale (elles préfèrent généralement fouiller le fond), mais ça arrive. Ce phénomène est surtout observable le soir ou à l’aube, quand les insectes sont nombreux sur l’eau. Un pêcheur expérimenté peut profiter de ce comportement avec des appâts flottants, sachant que des carpes montent parfois discrètement. En résumé, pour une carpe affamée, bondir peut vouloir dire savourer un repas gratuit à la surface.

      Réaction au stress et à l’environnement

      Les carpes sont sensibles à leur environnement. Un changement brusque, que ce soit dans la température de l’eau, la luminosité ou la qualité de l’eau (par exemple l’arrivée de feuilles en décomposition ou d’une substance chimique), peut les perturber. De même, l’introduction de beaucoup de nourriture (pellets, bouillettes) ou d’un nouvel élément dans l’eau peut les exciter. Dans les étangs très peuplés (pisciculture ou étangs intensifs), il n’est pas rare de voir des sauts collectifs lorsque le stress monte. Ainsi, la moindre perturbation s’ajoute aux autres causes. Même une simple vibration peut déclencher le réflexe des carpes, un peu comme si elles annonçaient leur présence. Ce n’est pas toujours facile à anticiper, mais sache que la moindre secousse ou agitation extérieure peut inciter les carpes à bondir.

      • saut de carpe

        Nettoyage des branchies après avoir fouillé le fond

        La carpe adore explorer le fond vaseux des lacs et des étangs à la recherche de nourriture. En fouillant les sédiments, de la boue et des particules fines peuvent se déposer dans ses branchies. Les branchies sont l’organe respiratoire du poisson, et elles doivent rester propres pour bien oxygéner le sang. Si ses ouïes sont encombrées ou engluées, la carpe doit donc les nettoyer. Pour cela, elle peut effectuer un grand saut vertical : en se propulsant avec puissance, elle crée un fort courant d’eau qui traverse rapidement ses ouïes et chasse la boue accumulée. Ce « mini-nettoyage » est très efficace : on observe souvent la carpe piquer du nez ou reprendre une respiration plus calme juste après, signe qu’elle a débloqué ses branchies.

        Comportement ludique et autres théories

        Terminons sur une note plus légère. Il se peut que certaines carpes sautent juste pour s’amuser ou explorer un peu. On le sait bien, de nombreux animaux ont un comportement ludique : les chiens, les singes, les dauphins… et pourquoi pas les carpes ? Certains carpistes ont filmé des carpes qui effectuent des sauts répétés en plein milieu d’un étang, apparemment sans raison extérieure. Les chercheurs ne sont pas sûrs que les poissons « s’amusent » vraiment comme les mammifères, mais on peut imaginer un petit effet de stimulation ou de curiosité. En tout cas, sauter coûte de l’énergie, donc même si ça ressemble à un jeu pour nous, cela reste un acte sérieux pour la carpe. Adopte alors ce regard d’enfant : si tu regardes bien, tu pourrais apercevoir un brin de spontanéité dans ce saut, comme si la carpe testait ses nageoires ou son territoire.

        • carpe qui gobe

          Si tu tombes sur une vidéo de carpe qui fait des loopings hors de l’eau, admire-les : tu es peut-être en train de capter un moment de « joie de vivre » chez un poisson ! Sans doute te demandes-tu finalement quelle explication retenir. La vérité, c’est qu’aucune raison unique ne s’applique à tous les cas : les carpes ont souvent plusieurs raisons à la fois. Parfois elles sautent pour respirer, parfois pour se nettoyer, parfois pour se nourrir ou échapper à un danger. Observe donc bien le contexte : la saison, la profondeur de l’eau, la météo ou même ton activité au bord de l’eau te donneront des indices sur le pourquoi. Chaque plan d’eau a son propre écosystème et ses moments forts. Les carpes d’un même étang réagiront parfois différemment de celles d’un autre étang. Maintenant que tu as toutes ces clés en main, tu pourras mieux décrypter ce comportement fascinant. N’oublie pas : le mystère n’est jamais complet tant que tu continues d’apprendre en observant.